Le BTi (Bacillus thuringiensis israelensis) appartient à cette catégorie de produits, apparus dans les années 1980, qui ont considérablement fait évoluer les possibilités de lutte. Il se situent à la frontière entre lutte biologique (ce sont des substances biologiques issues des bactéries) et de la lutte chimique (le principe actif est une protéine et non la bactérie elle-même).
Présentation du BTi
Le BTi est une bactérie sporulante naturellement présente dans le sol. Lorsque les conditions deviennent défavorables, la bactérie produit une spore afin de résister à ces conditions. A l'intérieur de cette spore, la bactérie synthétise un cristal protéique qui constitue la substance active agissant sur les larves de moustiques après ingestion.
Mécanisme d'action
Lorsque la larve de moustique ingère le BTi, le pH alcalin ainsi que les enzymes présentes dans le tube digestif induisent la dissolution du cristal protéique ainsi que l'activation des molécules libérées en toxines. Les toxines se fixent sur des récepteurs spécifiques par un mécanisme de type clé/serrure à la surface des cellules du tube digestif. Le déséquilibre biochimique provoqué induit le gonflement des cellules et l'éclatement du tube digestif.
Impact sur la faune "non cible"
L’aspect sécuritaire de la lutte biologique a été étudié par la recherche et validé par plusieurs agences environnementales. Dans les années 1980, l’Agence américaine de protection de l'environnement (US EPA) a reconnu l’innocuité du BTi à court et long terme, "pour les humains et tout autre mammifère potentiellement exposés".
Compte tenu de l’absence d’effets toxiques imputables au BTi, les communautés d’invertébrés ne sont pas directement affectées par le traitement. Cette même conclusion s’applique à l’ensemble des vertébrés, dont les oiseaux, qui au même titre que les mammifères, ne disposent pas des conditions biologiques nécessaires pour activer les toxines du BTi. De plus, le risque de contamination à partir de vers consommés sur des sites traités n’est pas envisageable étant donné que le BTi n’est pas bioaccumulable Des tests d’écotoxicité à court et long terme sur la faune non-cible ont été effectués en laboratoire et en milieu naturel.
Concernant les effets à court terme, la synthèse bibliographique de Boisvert et al (2000) est régulièrement citée. Leur travail regroupe les résultats de 77 articles scientifiques travaillant sur 125 familles d’invertébrés, 300 genres et 400 espèces. Sur les 616 taxons aquatiques définis comme non-cibles, 15 % ont présenté une réaction au BTi, dont la plupart (62 %), pour des doses de 5 à 1000 fois plus élevées que les doses opérationnelles.
Impact indirect sur les oiseaux insectivores tel que les hirondelles
Comme exposé précédemment, les oiseaux, au même titre que les mammifères, ne disposent pas des conditions biologiques nécessaires pour activer les toxines du BTi.
Concernant la réduction des larves de moustiques, il a été démontré qu’elle impactait de manière limitée la chaine alimentaire. Dans un article publié dans la revue scientifique "Nature", Fang (2010) montre que le moustique ne joue qu’un rôle mineur dans l’écosystème et que la niche écologique, laissée vide par sa disparition, est capable d’être rapidement comblée par d’autres espèces opportunistes. De plus, plusieurs études ont montré que les moustiques ne constituaient pas une proie de choix pour les espèces insectivores.
Une récente polémique concernant les effets sur la structure des réseaux trophiques a été relancée à partir des travaux de la station biologique de la Tour du Valat (Poulin et al, 2010). Les auteurs de l’article ont montré que l’abondance des hirondelles de fenêtre pouvait être réduite dans les zones traitées. Les traitements impacteraient les populations de chironomes (insectes appartenant à l’ordre des diptères très proches des moustiques) normalement consommés par les hirondelles de fenêtre, avec comme conséquence la diminution de leur reproduction au niveau des sites traités. Une attention particulière doit être portée aux chironomes du fait de leur importance en terme de biomasse et par ailleurs, ils font parti des "seuls taxons affectés à partager le même milieu de vie que les espèces cibles" de moustiques (Boisvert et Boisvert, 2000). Précisons d’une part que si certains chironomes se sont révélés sensibles à de fortes doses de BTi, aucune autre publication n’a démontré jusqu’à présent d’impact des chironomes par les traitements in situ. Au contraire, l’agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (l’AFFSET) affirme qu’ils ne sont nullement affectés par les doses opérationnelles (dosages spécifiés sur l’étiquette des produits utilisés).
Plus récemment, l'EQMA de l’INRA de Rennes a évalué à moyen terme (de 1998 à 2001 puis de 2006 à 2007) les effets du BTi sur la communauté d’invertébrés aquatiques des zones humides de la côte Atlantique française (Morbihan). Leurs résultats ont conclu à l’absence d’impact sur les organismes "d’intérêts trophique" pour les oiseaux (Lagadic 2014). Les auteurs précisent que les crustacés, les oligochètes, les larves de diptères ou de polychètes opportunistes, se sont retrouvés plus nombreux dans les zones traitées, ce qui explique que dans ces mêmes zones, la quantité d’invertébrés consommés par les oiseaux ait été maintenue.
Bibliographie
BOISVERT, Jacques et LACOURSIERE, Jean O, 2004. Le bacillus thuringiensis israelensis et le contrôle des insectes piqueurs au québec. Rapport préparé par l’Université du Québec à Trois-Rivières pour le ministère de l’Environnement du Québec. Québec. Ministère de l’Environnement. 101 p.
BOISVERT, Mario et BOISVERT, Jacques, 2000. Effects of Bacillus thuringiensis var. israelensis on Target and Nontarget Organisms: A Review of Laboratory and Field Experiments. In : Biocontrol Science and Technology. Vol. 10, n° 5, p. 517‑561. DOI 10.1080/095831500750016361.
FANG, Janet, 2010. Ecology: A world without mosquitoes. In : Nature, vol 466, p. 432-434.
LAGADIC, Laurent, ROUCAUTE, Marc et CAQUET, Thierry, 2014. Bti sprays do not adversely affect non-target aquatic invertebrates in French Atlantic coastal wetlands. In : ARNOTT, Shelley (éd.), Journal of Applied Ecology. Vol. 51, n° 1, p. 102‑113. DOI 10.1111/1365-2664.12165.
POULIN, Brigitte, LEFEBVRE, Gaetan et PAZ, Leire, 2010. Red flag for green spray: adverse trophic effects of Bti on breeding birds: Bti effects on breeding birds. In : Journal of Applied Ecology. Vol. 47, n° 4, p. 884‑889. DOI 10.1111/j.1365-2664.2010.01821.x.